(publié en janvier 2018)
Grâce à Twitter, j’ai découvert cette revue qui a un format livre, édité aux Editions du Croquant. L’objectif de cette revue est de publier principalement des articles sur les thèmes de la sociologie des sciences et techniques.
Les auteurs et contributeurs de cette revue sont des universitaires qui étudient dans le champ des sciences et techniques (d’un point de vue sociologique). La revue s’adresse donc aux personnes qui interviennent dans le domaine des sciences sociales, mais également a pour ambition de faire découvrir ces thèmes à des néophytes ou des amateurs des sciences sociales. Elle est vendue en librairie (enfin dans la mienne, non, il faut la commander 🙂 ).
Je ne suis pas une spécialiste des sciences sociales, mon activité professionnelle n’est pas du tout dans ce champ. Donc je suis une néophyte-amatrice, et surtout une lectrice qui aime se lancer des défis intellectuels… pour changer un peu des romans, des essais et de la lecture des journaux indépendants sur internet. Enfin bref, mettre les neurones en action dans des situations nouvelles de lecture.
Alors d’abord la bonne nouvelle: mes neurones ont été contents de retrouver de la littérature universitaire 😀 … c’est là que l’on prend conscience que la lecture des revues Francis Lefebvre, c’est du prêt à penser, du pré-mâché professionnel pour synthétiser les actualités fiscales. Ça a sa fonction, mais j’avais perdu de vue ce qu’était un article universitaire!
L’autre bonne nouvelle (oui, y en a au moins 2 en fait): je suis allée au bout de la revue, j’ai eu plaisir à la lire et à lire tous les articles même si je n’ai pas tout compris. Et en vrai, ce n’est pas grave!
La revue est composée de plusieurs parties:
- un éditorial qui introduit les thèmes de la revue,
- confrontations: il s’agit d’analyses faites à partir enquêtes,
- frictions: comme son nom l’indique arguments/contre-arguments qui se frictionnent (pour provoquer de l’électricité ?) sur un thème intellectuel,
- libre-échanges: compte-rendu d’entretiens avec une personnalité des sciences sociales,
- friches: une partie « libre » pour explorer des thèmes divers et variés,
- classiques: des articles d’auteurs classiques des sciences sociales ou d’introduction auxdits auteurs classiques,
- critiques: recensions d’ouvrages contemporains dans le domaine des sciences sociales de la science et des techniques.
L’article qui pour moi a été le plus difficile à comprendre (et qui est resté assez ésotérique) est celui de Christopher Donohue « La philosophie est un extrémisme logique – l’œuvre de Joseph Agassi ». Cela fait référence aux principes de Karl Popper (que je ne connais pas), au relativisme et au pluralisme (dont la définition générale me parle, et qui dans le cadre de cet article reste toutefois assez hermétique). Je ne retiendrai de cet article que le dernier paragraphe qui est celui qui m’a le plus parlé:
La conception agassienne de la rationalité et de la philosophie semble exclure la possibilité du compromis, tant l’extrémisme logique qui l’anime paraît intransigeant. Il n’empêche que le faillibilisme de cette philosophie offre une solution empirique assez rigoureuse pour instaurer le principe de l’erreur comme fondement d’une pensée critique et d’une vision humaniste de la société. La mise en évidence de l’antagonisme fondamental entre la philosophie et le compromis, ainsi que la résolution de ce problème par la thèse du caractère inéluctable de l’erreur, sont les contributions majeures d’Agassi.
L’article « Le grand remembrement – la sociologie des savoirs ruraux depuis les années 1950 » de Jérôme Lamy est celui que j’ai le plus apprécié. Certainement parce qu’il renvoie à des thèmes de mon enfance (les trucs et astuces des grand-parents et grand-oncles/tantes pour cultiver son potager, son jardin, des voisins agriculteurs quand nous passions les vacances dans l’Aisne, l’influence de l’agrochimie sur les pratiques culturales traditionnelles et leur modernité vs le vieux monde paysan), ma mise en pratique actuelle dans mon propre jardin des savoirs techniques de la permaculture, l’agroforesterie, la micro-biologie des sols et les constats empiriques de ce qui marche et ne marche pas dans mon terrain et/ou dans mes mises en pratique.
L’entretien avec Roger Chartier, historien des pratiques de lecture, ne pouvait que m’intéresser, en tant lectrice invétérée. Après la lecture de cet article, je pense, par rapport à un des thèmes abordés, que les livres papier resteront à côté des livres numériques. Toutefois, peut-être que nos pratiques changeront dans le sens où la première lecture se fera sous format électronique, et ensuite pour conserver dans le temps les livres dont on veut garder une trace, il y aurait un système d’impression à la demande (avec pourquoi pas des couvertures personnalisées et le retour en force de la profession de relieur !). Mon constat de lectrice est que je garde moins bien le souvenir des livres numériques que j’ai pu lire, quand pour les livres papier les souvenirs sont là (même lointains, même s’il est parfois nécessaire de les réactiver par le titre, l’auteur, mon cahier des livres lus). Il y a, je pense, un souvenir des livres plus prégnant quand il passe par la mémoire sensorielle des mains (poids du livre, le fait de tourner les pages) et de la vue (couverture, couleurs et iconographie de la maquette).
Il y a d’autres nombreux articles intéressants dans cette revue (notamment sur Alain Badiou que je ne connais que de nom, une critique des livres de Matthew Crawford connu notamment pour « Éloge du carburateur » qui avait connu une forte popularité dans la blogo littéraire [mais je ne l’ai pas lu, le résumé ne m’avait pas branché plus que ça]).
Pour ne pas virer monomaniaque, je lis quelques ouvrages de littérature (notamment pour le comité lecture Participe présent) avant d’attaquer le numéro 2. Et le numéro 3 est déjà arrivé à la maison. Mais ce sont des revues longues à lire (en gros j’ai calculé qu’il m’a fallu une dizaine de soirées pour finir la revue n°1, même si ce n’est que 420 pages… mais le cerveau a besoin d’intégrer de nouvelles notions ou d’aller chercher loin dans ses souvenirs 😉 ). En tout cas, une très belle découverte, c’est vraiment pour ça que j’adore internet avec ces rencontres improbables 🙂 .
Revue Zilsel n°1 – Janvier 2017 – Editions du Croquant – 419 pages
Mise à jour au 1er février 2018: en faisant une recherche sur le mot-clé Revue Zilsel, je suis tombée sur un entretien que Arnaud Saint-Martin et Jérôme Lamy à l’origine de cette revue ont donné à Hors-série. Je ne l’avais pas regardé au moment de sa publication car j’ai beaucoup de mal avec l’animatrice de l’émission Aux Source. Émission à regarder pour comprendre dans quel contexte s’inscrit cette revue (le site est réservé aux abonné.e.s)