Avant de désobéir, peut-être devrions-nous d’abord apprendre à ne plus obéir, à ne plus soutenir le système qui nous tyrannise. C’est ce que Étienne de la Boétie nous invitait à faire dans son Discours de la servitude volontaire, dès 1576. Frédéric Gros l’explique très bien dans son livre Désobéir (Albin Michel, 2017): « C’est précisément pour La Boétie ce qui fait tenir le pouvoir politique. Je ne vous vois pas, écrit-il, « seulement obéir, mais servir ». Servir, c’est plus qu’obéir : donner des gages, devancer les désirs, obéir le mieux possible, faire de son obéissance l’expression d’une gratitude, justifier les ordres qu’on nous donne ; ce qu’on pourrait appeler la « surobéissance ». » De cette surobéissance, le pouvoir se délecte.
Il existe parfois des contraintes trop puissantes pour que l’on puisse réellement désobéir sans risquer gros. Le système l’a bien compris qui nous enchaîne à des crédits qui nous empêchent de faire grève, nous terrorise par l’afflux d’informations toujours plus anxiogènes ou, encore, nous asphyxie de gaz et nous tire dessus à coups de Flash-Ball à chaque manifestation. Frédéric Gros évoque alors la résistance civile : « Des stratégies de non-coopération sont à la disposition des populations civiles, sans que leurs actes apparaissent jamais des actes de révolte ouverte, de rébellion franche. »
Isabelle Attard – Comment je suis devenue anarchiste (p 142-143) – Editions Seuil-Reporterre